Neuhaeusel : Les incorporés de force oubliés de l'après-guerre


Dans le cadre des événements organisés par les communes de l'Uffried pour commémorer les 80 ans de l'incorporation de force, Jean-Laurent VONAU a tenu une conférence à Neuhaeusel.

Jean-Laurent VonauLe professeur émérite de l'université de Strasbourg, ancien vice-président en charge de la culture au Conseil Général du Bas-Rhin et auteur de nombreux ouvrages, a captivé la centaine de personnes venues l'entendre sur les suites de la guerre pour les Malgré-Nous.

Dans son propos liminaire, il a préféré parlé d'incorporés de force, notion plus claire que Malgré-Nous qui les distingue aussi des quelques engagés volontaires.

Il a brossé la situation des prisonniers de guerre bien plus malmenés sur le front de l'Est où se trouvaient l'essentiel des incorporés de force (11% de décès de prisonniers en URSS contre 0,7% aux États-Unis).

Le camp de prisonniers de Tambov est le plus connu de ceux qui ont fait souffrir les Magré-Nous. Par la dureté des conditions de vie (zone marécageuse avec moustiques et taons, températures extrêmes, huttes en terres inondées à chaque dégel provoquant des rhumatismes, la tuberculose et la dissentrie), la dureté des travaux à accomplir (corvées de bois, confection d'écluse, extraction de tourbe) et la mauvaise organisation au camp où les alsaciens-mosellans n'avaient pas d'organisation propre à assurer l'équité dans
la répartition de la nourriture notamment, ce camp reste synonyme d'enfer. 13 888 francais ont été incarcérés dans ce camp. 1500 Malgré-Nous ont pu le quitter en juillet 1944 pour servir comme fantassins dans les forces françaises libres mais ceux qui n'y sont pas morts sont revenus entre août 1945 et... 1955.

Les procès d'après-guerre n'ont pas non plus permis de faire reconnaître l'incorporation de force comme crime contre l'humanité.

Le procès du Gauleiter Wagner en 1946 à Strasbourg - alors que de part sa position, il aurait dû être jugé à Nuremberg - n'a pas abordé les problèmes de la contrainte que constitue l'incorporation de force et ceux de la sippenhaft (les représailles prévues contre la famille des réfractaires).

Le procès de Bordeaux contre les auteurs du massacre d'Oradour sur Glane a aussi laissé un goût amer. Le 10 juin 1944, 642 personnes sont assassinées dans le village limousin. Les incorporés de force qui faisaient partie du détachement de la division SS das Reich responsable du massacre étaient pour plusieurs d'entre eux de la classe 1926 (dont la moitié avait été intégrée immédiatement à la SS) et n'avaient que 17 ou 18 ans au moment des faits alors que l'âge de la majorité était de 21 ans.

Jean- Laurent Vonau a détaillé la préparation chaotique du procès (avec une loi sur la responsabilité collective votée à l'encontre des principes de base du droit français) et l'image désastreuse laissés par la présence de seulement 21 accusés sur 65 dont 14 alsaciens (13 incorporés de force et 1 volontaire) et 7 allemands. La condamnation des incorporés de force au matin du 13 février 1953 provoque une réaction outrée en Alsace et la loi d'amnistie votée dans la foulée écœure les Limousins.

Au niveau de l'indemnisation les alsaciens-mosellans n'auront pas non plus la reconnaissance qu'ont eu les incorporés de force belges et luxembourgeois.

Jean-Laurent Vonau

Le programme de commémorations se poursuit avec une nouvelle conférence de Christophe Woehrlé le mardi 23 août a 20h à la salle des fêtes de Kauffenheim.